réponse simple
Réponse simple :
Au niveau microscopique, « couper » un objet revient à rompre les liens qui le maintiennent ensemble1 à 4. Une pomme, par exemple, est formée d’une multitude de molécules liées les unes aux autres par des forces électriques :
Il y a des milliards de milliards d'atomes au sein d'une pomme10 (agrandir l'image) (sources : Whiteway et Glab)
Pour couper une fraction de cette pomme, il faut parvenir à briser les liaisons de la matière à l’endroit où nous souhaitons séparer les morceaux.
Or, rompre les liens entre les molécules demande de la force, d’une intensité qui varie grandement selon le matériau à couper7. Bien que trancher un fromage avec le plat de la main soit envisageable, nous employons des outils pour optimiser nos efforts : ils nous permettent de concentrer toute la force appliquée en un endroit précis3 à 5 et 13.
Illustration du principe de pression (agrandir l'image)
Avec un couteau, le tranchant est si fin que notre force se répercute sur une très petite surface. Cette pression importante va fragiliser les liaisons locales et générer des microfissures au sein du matériau1,3 et 15. Il est ensuite beaucoup plus facile pour le reste de la lame d’élargir ces fissures, afin de séparer les molécules et terminer la coupe de l’objet.
La pression rompt les liens et génère des microcraquelures (agrandir l'image) (sources : 1 et 2 - modifiées)
De nombreux outils reprennent ce principe de pression, c’est le cas par exemple d’une aiguille, ou d’une hache fendant une buche. D’autres ustensiles, comme les scies et les couteaux dentelés, ajoutent des forces latérales à cet effet vertical4 à 6. Les ciseaux infligent pour leur part des forces opposées – dites de « cisaillement » – aux molécules prises entre les deux lames11 et 12.
Tous ces outils gardent cependant le même objectif : maximiser la force au point d’impact et profiter des microfissures ainsi générées.
Des forces décalées engendrent un cisaillement qui va déchirer le ruban entre les deux lames (agrandir l'image)
Gros plan sur des lames de couteau lisses et dentelées. Dans ce cas celle du bas est plus aiguisée (agrandir l'image)
La nature du matériau à couper, notamment ses points de faiblesses et le type de liens entre ses molécules, influencent grandement sa résistance à ces contraintes1,à 3 et 7 à 9. Si un simple fil suffit à couper du beurre, seule une lame dentelée permet de rompre une corde. On emploie parfois des jets d’eau et de sable sous haute pression pour couper certains métaux17.
Il existe une grande diversité d'outils propre à chaque matière et situation (agrandir l'image)
Hormis la pression, d’autres techniques existent pour séparer un objet, notamment la découpe laser, où les molécules du point d’impact sont chauffées à vif jusqu’à leur vaporisation14.
Un chalumeau aurait le même effet, mais la surface de coupe serait bien plus large (agrandir l'image) (source)
Vous souhaitez davantage de précisions ? Lisez l'onglet "réponse avancée" en début d'article.
réponse avancée
Réponse avancée :
Séparer un objet, qu’il s’agisse de le « couper », le « déchirer » ou l’« écraser », nécessite de rompre les liaisons entre les molécules qui le composent1 à 4. À la différence des deux autres, le premier terme fait référence à une zone de séparation aussi nette et fine que possible.
Toute scission d’un matériau commence par une rupture locale dans sa structure moléculaire, par exemple une microfissure, ou une dislocation, qui peut par la suite s’étendre au reste de la zone1,3 et 15.
Chaque matériau réagit différemment à ces déstabilisations : en haut de la calcite et en bas du cuivre (agrandir l'image) (sources : 1 et 2 - modifiées)
Il existe différentes méthodes pour fragiliser ces liaisons, la plus commune étant d’appliquer une force mécanique importante au point d’impact. On emploie pour ce faire des outils dont la surface tranchante est aussi fine que possible, ce qui permet de maximiser la pression sur la zone de contact3 à 5 et 13.
Ainsi, s’il est plus simple de trancher un fromage avec un couteau qu’avec le plat de la main, c’est parce que toute notre force est concentrée sur une petite bande, ce qui génère des contraintes importantes au sein du matériau.
La force appliquée en un point (= pression) doit être suffisante pour perturber la structure moléculaire du matériau (agrandir l'image)
L’angle de la pression appliquée lors de la coupe a également son importance sur la rupture des liaisons. Grâce à un mouvement de sciage, on peut par exemple ajouter des forces latérales (dites de « cisaillement » ) à la force perpendiculaire décrite ci-dessus3 et 6.
Il est possible de calculer la somme de contraintes générées par ces différentes forces, ce qui nous permet de cartographier la zone où la matière est sur le point de se rompre6 et 18 :
Le sciage amplifie les contraintes locales6, générant plus vite des microfissures (agrandir l'image) (source - modifiée)
Tous les matériaux possèdent une résistance différente à ces contraintes7, ils sont généralement plus sensibles au cisaillement qu’à la compression ou à l’étirement15 et 19. Leur point de rupture est déterminé par une combinaison de facteurs tels que les microfissures préexistantes, l’intensité des liaisons1,à 3 et 8, l’angle de la force4,6 et 7, la température et le poids moléculaire20.
On effectue des tests de traction pour comparer la résistance des matériaux aux contraintes d'étirement9 (agrandir l'image) (fait d'après ces sources : 1 et 2)
Le diamant et le graphite possèdent les mêmes atomes, mais leur organisation modifie leur résistance21 (agrandir l'image) (sources 1 et 2 - modifiées)
Les outils que nous employons pour couper servent donc à augmenter les contraintes de la façon la plus efficace possible d’après le matériau ciblé. Une lame dentelée, par exemple, perfore la matière en de multiples points de contact. La pression locale est supérieure à celle d’une lame lisse, dont l’action est répartie sur toute la surface du tranchant4 et 5.
Des lames lisses et dentelées. Un compromis est nécessaire entre l'épaisseur (pression moindre) et la résistance3,4 et 17 (agrandir l'image)
Combiné à un mouvement de sciage, la présence de dents modifie grandement l’angle des forces lors de la coupe, induisant à la fois des forces normales et des forces de cisaillement4 à 6. Les ciseaux, sans surprise, sont un autre exemple de cisaillement. Les deux lames décalées infligent de fortes contraintes sur les molécules prises entre les deux forces11 et 12.
Des forces légèrement décalées engendrent un cisaillement qui va déchirer le ruban entre les deux lames (agrandir l'image)
Aiguiser ces différents outils permet de favoriser certains types de coupes. À titre d’exemple, des stries microscopiques sur le tranchant augmentent l’adhérence lors des mouvements latéraux, ce qui favorise l’action d’une scie, mais pas d’une hache de bûcheron13 et 15.
Vue microscopique d'une lame aiguisée et émoussée, attention les échelles ne sont pas les mêmes (agrandir l'image) (source)
Quels que soient les ustensiles employés, l’objectif reste le même : rompre les liaisons au point d’impact et élargir ces microfissures pour pouvoir séparer l’objet.
Il existe une grande diversité d'outils propre à chaque matière et situation (agrandir l'image)
Au-delà de ces forces mécaniques, d’autres systèmes de coupe existent. La découpe laser, par exemple, utilise l’agitation thermique pour altérer la matière sur la ligne de coupe14. Les molécules chauffées perdent leurs liens avec leurs voisines, ce qui les fait fondre ou passer en phase gazeuse.
Un chalumeau aurait les mêmes effets, mais la surface de coupe serait bien plus large (agrandir l'image) (source)
Commentaires
Si je tiens mon couteau par le manche, est ce qu’il y a la même force au niveau de la lame, que ce soit à l’extrémité ou à côté du manche ?
Bonjour,
Question intéressante qui m’a demandé un peu de recherche.
Si je récapitule ce que j’ai trouvé, il y a deux aspects qui contribuent à rendre une feuille de papier coupante:
1) La faible surface de contact. Non seulement une feuille est très fine, mais ses bords sont constitués d’une série de pointes microscopiques (voyez cette image 66.media.tumblr.com/b88f3cc9195f4226724f9096d301a86d/tumblr_nyhg5oXDAi1sig0jto2_1280.jpg). Par conséquent, la surface de contact réelle entre la peau et le papier est réduite à ces pointes. C’est le même principe qu’avec une lame de scie, où la pression s’exerce au niveau des dents.
2) Lorsque l’on se coupe le doigt, la feuille fait un mouvement latéral rapide. Ce geste de sciage ajoute des forces de cisaillement sur la peau, ce qui augmente les contraintes de surface de la peau (référez-vous à l’image du niveau avancé ci-dessus). Une feuille ressemble tellement à une scie qu’elle peut être utilisée pour couper du bois ! Voyez cette vidéo : www.youtube.com/.../
Pour ce qui est des calculs, il me paraît trop compliqué de tenir compte de tous ces aspects. Vous pouvez cela dit appliquer la formule de base P=F/S en ignorant les dentelures et le mouvement de sciage.
La résistance de la peau est d’environ 10 à 30 Newton par mm^2. Cela correspond à la pression nécessaire pour la rompre. Si une feuille de 0.1mm d’épaisseur est en contact avec la peau sur environ 5mm de long, on à une surface de contact de 0.5mm^2. Donc la force requise pour percer la peau vaudra 10 Newton, ce qui est relativement élevé (c’est la force pour tenir un l’air une masse de 1kg à la surface de la terre). Dans ce cas la feuille se plierait avant de vous couper.
Mais ces approximations ne reflètent pas la réalité. Il faudrait tenir compte des pointes (qui se cassent sans doute elles-mêmes sous la pression) et du mouvement de sciage. En cherchant un peu, vous pourrez peut-être faire des calculs plus précis, je vous laisse regarder.
Avec des camarades, nous réalisons un TPE (travaux pratiques encadrés) avec comme problématique:
"Comment une feuille de papier peut couper notre peau?"
Nous avons un peu de mal à cerner la technique de coupe qui est effectuée par la feuille sur la peau. Nous pensions à une force séparant les molécules de la peau, peut-être influencée par la vitesse, et aussi par quel genre de feuille.
Nous nous demandions si vous saviez quels facteurs rentrent en compte dans la séparation des atomes/molécules de la peau par la feuille?
Et aussi, si vous pouviez nous expliquer comment (si c'est possible pour des élèves de première) déterminer la Force en N qui donne la pression?
Merci d'avance pour le temps pris à essayer de nous aider et de nous répondre, toute proposition est la bienvenue!
Bonne journée à tous! ;)